
La justice britannique s’est rangée, vendredi 5 novembre, à la thèse de l’accident de pêche pour expliquer le naufrage du chalutier français Bugaled-Breizh en 2004, écartant l’hypothèse de l’accrochage avec un sous-marin, défendue par les familles des victimes. Le bateau breton a sombré très rapidement au large des Cornouailles (sud-ouest de l’Angleterre) où il pêchait dans des conditions météorologiques plutôt bonnes. Les cinq marins qui se trouvaient à bord avaient été emportés par le fond.
Cinq ans après le non-lieu définitif prononcé en France, les proches des victimes espéraient que les trois semaines d’audience tenues en octobre à la Haute Cour de Londres permettraient de faire apparaître de nouveaux éléments susceptibles de relancer l’enquête. Si la justice française n’avait pu trancher entre l’hypothèse d’un accrochage avec un sous-marin militaire et celle d’un accident de pêche, le juge Nigel Lickley s’est montré plus catégorique : le chalutier a bien « coulé en raison d’un accident de pêche », a-t-il tranché en rendant ses conclusions, ajoutant qu’aucun autre navire ne se trouvait à proximité.
« Je chavire, viens vite ! », avait lancé le patron du Bugaled-Breizh (« enfants de Bretagne », en breton) Yves Gloaguen, dans un appel de détresse à l’un de ses confrères à la mi-journée ce jour-là. A bord du chalutier, qui pêchait dans des conditions plutôt bonnes, se trouvaient cinq marins expérimentés, « à cheval sur la sécurité », selon leurs proches.
Recours envisagé par les familles des victimes
Des cinq victimes, seuls les corps de Patrick Gloaguen, Yves Gloaguen et Pascal Le Floch ont été retrouvés – le premier dans l’épave lors de son renflouement, les deux autres dans les eaux britanniques. C’est sur la mort de ces deux derniers que s’est concentrée la procédure britannique. Georges Le Métayer et Eric Guillamet ont quant à eux été portés disparus en mer.
Si la procédure britannique ne pouvait aboutir au prononcé de condamnations, les familles des victimes espéraient qu’elle puisse faire surgir de nouveaux éléments susceptibles de nourrir une demande de réouverture de l’enquête en France. Le non-lieu prononcé par la justice française est devenu définitif en 2016 après le rejet de leur dernier recours.
Le juge britannique se fonde « essentiellement et uniquement sur un seul rapport qui a été rédigé par dix militaires français deux ans après le naufrage », a affirmé Thierry Le Métayer, fils de Georges Le Métayer. « Seulement il y a plein d’experts indépendants » qui ont écarté la thèse du train de pêche accrochant sur un banc de sable, c’est-à-dire une « croche molle », a-t-il ajouté. Il n’existe « aucun exemple dans le monde d’une croche molle qui entraîn[erait] un naufrage », a-t-il poursuivi, expliquant envisager un recours.
« Il ne s’agit pas d’une fin », a souligné son avocat, Dominique Tricaud, « la quête des familles pour la vérité ne s’arrêtera que le jour où on aura identifié le sous-marin auteur des faits ». La décision britannique est un « coup de poignard supplémentaire » pour les familles, a également réagi le président de l’association SOS Bugaled Breizh.
« Nous n’étions absolument pas impliqués »
Au fil des auditions devant la Haute Cour de Londres, l’hypothèse de l’accrochage avec un sous-marin militaire, privilégiée par les familles des victimes, s’est effectivement éloignée au profit de celle d’un accident de pêche, dû à un équipement du navire qui aurait agrippé le fond, défendue par un expert à l’audience.
La présence de trois sous-marins (le néerlandais Dolfijn, l’allemand U22 et le britannique Torbay) a été certifiée dans la zone, où se préparaient des exercices militaires. Les soupçons des familles se sont cependant portés sur un autre sous-marin, le britannique Turbulent. Devant la Haute Cour, la marine néerlandaise et la Royal Navy ont exclu toute implication, la première affirmant que le Dolfijn naviguait en surface quand l’accident est survenu, la seconde que le Turbulent n’était pas en mer le jour du naufrage.
« Nous n’étions absolument pas impliqués. Nous étions à quai », à Devonport (sud-ouest de l’Angleterre) « le 15 » janvier, a affirmé, lors d’un témoignage très attendu, le commandant d’alors du sous-marin britannique, Andrew Coles. Quant à l’hypothèse de la présence d’un sous-marin allié non identifié dans le secteur des exercices, elle a été jugée « impensable » par le commandant Daniel Simmonds, un responsable des opérations sous-marines de la Royal Navy.
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