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Vincent Duclert : « Le dossier rwandais a été contaminé par le mensonge, la manipulation et la passion »

Dans un entretien au « Monde », l’historien Vincent Duclert, président de la commission Rwanda, qui a remis, vendredi 26 mars, son rapport final à Emmanuel Macron, revient sur le rôle de la France dans le génocide des Tutsi.

Propos recueillis par  et

Publié le 26 mars 2021 à 18h01, modifié le 27 mars 2021 à 09h01

Temps de Lecture 15 min.

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Le président Emmanuel Macron reçoit des mains de l’historien Vincent Duclert, accompagné des membres de la commission Rwanda, le rapport intitulé « La France, le Rwanda et le génocide des Tutsi (1990-1994) », à l’Elysée, le 26 mars 2021.

Chercheur et ancien directeur du Centre d’études sociologiques et politiques Raymond-Aron (CESPRA, CNRS-EHESS), Vincent Duclert, président de la commission de recherche sur les archives françaises relatives au Rwanda et au génocide des Tutsi, a remis, vendredi 26 mars, au président Emmanuel Macron, le rapport final intitulé La France, le Rwanda et le génocide des Tutsi (1990-1994). Enseignant à Sciences Po, ce spécialiste de la IIIe République, de Jaurès et du concept de génocide avait présidé une mission d’études sur les génocides et crimes contre l’humanité sous l’ancien président François Hollande. Auteur de plusieurs ouvrages, dont Les Génocides (CNRS Editions, 2019), Vincent Duclert présente les grandes lignes du rapport, notamment les « dérives institutionnelles » au sommet de l’Etat.

Dans votre rapport, vous concluez sur de « lourdes et accablantes responsabilités de la France dans la crise rwandaise » tout en « écartant la thèse d’une complicité dans le génocide des Tutsi ». Pourquoi écarter cette thèse ?

La question de la complicité d’un génocide est posée au juge. Nous sommes des historiens et nous n’interrogeons pas la matière historique en ces termes judiciaires. Néanmoins, nous avons choisi de ne pas fuir nos responsabilités dans nos conclusions car le monde entier s’interroge sur cette complicité française. Ce n’est pas parce que nous sommes historiens que nous devons écarter les interrogations des sociétés, surtout celles qui les hantent. On le fait avec nos outils. D’abord il s’agissait de savoir si la France s’était associée à une entreprise génocidaire. Nous avons considéré que la complicité relevait de ce point central de l’argumentation.

Dans les dizaines de milliers d’archives consultées, il n’y a aucun document qui démontre un soutien de la France aux extrémistes hutu dans leur ciblage des Tutsi en tant que « race » à exterminer. La France ne s’est jamais associée à un tel programme ni ne l’a voulu dans ses actes et ses discours. La France n’a pas non plus armé ni formé les milices qui allaient en premier lieu exécuter le génocide. Elle a cru former des soldats rwandais.

Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas eu une politique menée au Rwanda entre 1990 et 1993 qui a favorisé sans le vouloir objectivement l’engrenage génocidaire tout en s’efforçant aussi de contenir les « massacres interethniques » – l’expression qui résume la cécité française et l’indigence de l’analyse politique. Si la France l’avait su, si elle avait compris qu’en formant cette armée pléthorique elle formait de facto des miliciens, elle serait sortie du Rwanda, peut-être aurait-elle agi différemment. Je pense que oui. Mais on ne sait pas. La France n’a rien su ni compris des événements, alors que des outils puissants de compréhension existaient à l’époque, dont la Convention onusienne pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948.

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